En novembre 2021, nous avions produit une tribune pour indiquer que le quinquennat qui s’ouvrirait en 2022 serait décisif pour le climat et la biodiversité. Nous sortions de la période covid pleins d’espoirs dans la prise de conscience de chacun et surtout des décideurs de l’importance d’agir pour la survie des êtres humains sur notre planète. Elle était signée par plusieurs personnalités dont de nombreux députés.
A bien des égards, ce que nous écrivions à l’époque reste vrai aujourd’hui :
« Ce quinquennat sera décisif pour la sauvegarde de nos biens communs naturels, et par conséquent pour le bien-être de nos enfants : un enfant né aujourd’hui aura moins de trente ans en 2050 et vivra encore en 2100 ! Nous appelons donc à ce que chaque candidat place la transition écologique comme priorité première du débat de l’élection présidentielle. Sans maitrise de nos émissions de gaz à effet de serre, tous les autres combats sociétaux seront vains : le dôme de chaleur aux Etats-Unis, les inondations meurtrières en Allemagne et en Belgique, les feux de forêts qui ont embrasé les contours de la Méditerranée, l’accentuation des dégâts liés aux ouragans, les tensions sur les récoltes de céréales, matérialisent les prémices d’un monde invivable si nous n’agissons pas avec force pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. »
Nous nous félicitions de la création du haut Conseil pour le Climat et de la Convention Citoyenne pour le Climat au niveau français ainsi que du déploiement du « green deal » européen. Ces avancées inédites étaient sources d’espoirs pour la suite. Même si nous étions conscients que :
« Beaucoup de chemin reste à parcourir et les changements les plus profonds sont devant nous. Tous ceux qui se sentent “écologistes”, tous ceux qui se préoccupent de la catastrophe climatique le savent. Seule une position politique clairvoyante, courageuse, centrale et pragmatique peut permettre une action ambitieuse et efficace, qui engage le pays tout entier dans la transformation de nos modes de vie et de notre modèle économique. »
Car nous étions convaincus que :
« La préservation du climat et de la biodiversité et l’adaptation au changement climatique doivent être au cœur du projet sociétal de la France »
3 ans plus tard, qu’en est-il de ces espoirs et ces attentes.
Il y a eu des avancées réelles aussi bien au niveau français qu’européen :
- La création du secrétariat général à la planification écologique rattaché à la première ministre a permis de passer de la culture des objectifs à la culture de la mise en œuvre, du dialogue et de la territorialisation
- Des organismes comme la cour des comptes ont commencé à intégrer la transition écologique dans leur approche et à nouer des partenariats avec les scientifiques, notamment en matière d’adaptation au changement climatique,
- Depuis 2020 les émissions annuelles de GES de la France baissent de 4% en moyenne, ce qui montre que la cible 2035 est atteignable,
- Le programme du Green Deal a pratiquement été entièrement voté, ce qui implique la création ou la modification de plus de 50 textes réglementaires européens.
Pour autant, pouvons-nous affirmer que « La préservation du climat et de la biodiversité et l’adaptation au changement climatique sont au cœur du projet sociétal de la France » ?
Malheureusement, ce n’est pas le cas à la fois pour des raisons externes et internes :
- La situation géopolitique s’est fortement dégradée avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la victoire des Talibans en Afghanistan, la menace Iranienne sur le Proche Orient et sur Israël, le terrorisme islamiste présent et agissant partout de la pire des manières,
- La guerre économique entre les 3 blocs que sont l’Europe, les USA et la Chine se poursuit à tous les niveaux avec un seul naïf perdant jusqu’à présent, l’Europe.
- En France, les extrêmes ont réussi à occuper le terrain en exacerbant les peurs et les égoïsmes, pariant sur les questions du pouvoir d’achat et de la sécurité ; fantasmant sur l’immigration ; nourrissant l’antisémitisme et le racisme. A cela s’ajoutent un déficit des finances publiques et un endettement public extrêmement préoccupants, limitant fortement les marges de manœuvre de n’importe quel gouvernement.
Nous sommes dans une période d’incertitudes économiques, politiques, sociales, environnementales.
Les premières conséquences du changement climatique sont désormais vécues par tous (canicules, inondations, tempêtes) tout comme celles de l’effondrement de la biodiversité. Paradoxalement, elles amènent à une prise de conscience locale inédite, qu’il s’agisse de la question agricole, du dépérissement des forêts ou de la vulnérabilité des villes.
Sur le plan politique, la bataille fait rage autour de la laïcité et de l’universalisme. Les amalgames et les généralisations abusives se multiplient sans que la nuance et le contradictoire n’aient la place qu’ils méritent dans le débat.
C’est justement dans ce type de période que tout est possible.
La France a la chance d’avoir des scientifiques de haut niveau qui effectuent un travail de vulgarisation extraordinaire sur le climat et la biodiversité. La diversité et la profondeur des études réalisées sont remarquables. Non seulement le savoir est là, mais les solutions sont toutes disponibles : ce sont eux qui le disent.
La France a la chance d’avoir des organismes publics extrêmement compétents et engagés comme l’Ademe, Le Cerema, Méteo France, l’INRAE, etc. Ils peuvent aider aussi bien les collectivités que les agriculteurs et les entreprises.
La France a la chance d’avoir de nombreuses associations qui ont développé une très grande richesse d’outils de vulgarisation sur tous les sujets environnementaux avec une orientation vers l’action individuelle comme collective. Il y a aussi de nombreux think tanks qui travaillent sur les améliorations à apporter.
Qui accepterait que ses enfants vivent dans une France qui aurait perdu tout ce qui en faisait l’attrait ?
Il est encore temps de travailler tous ensemble pour une France où il fait bon vivre, où chacun peut vivre de son travail, où les richesses patrimoniales, culturelles, paysagères… seraient préservées et partagées.