Le dérèglement climatique est aujourd’hui reconnu par la plupart des responsables politiques comme un problème majeur, voire existentiel ou anthropologique. Les événements extrêmes de l’été 2022 auront joué sur ce sujet un rôle de prise de conscience ou d’accélérateur. Cela conduit généralement, de la part des décideurs qui se situent en dehors des extrêmes, à un discours invoquant la nécessité de revoir en profondeur nos mécanismes de production et notre consommation. Et dans la foulée, ces mêmes décideurs réaffirment leur rejet de toute forme de décroissance.
La décroissance devient ainsi la ligne de fracture politico-économique dans les débats sur le climat. Il y aurait d’un côté les « décroissantistes », de l’autre les partisans d’une croissance verte.
Emmanuel Macron a été élu en 2017 sur un projet de dépassement des clivages qui stérilisaient le débat public, notamment le clivage droite-gauche. Tout ne doit pas être conflictualisé tout le temps. Avec le même esprit de responsabilité, de modernité et de recherche de l’efficacité, il est urgent de dépasser aujourd’hui le clivage entre les partisans et les détracteurs de la décroissance.
Parce que ce clivage est stérile.
Certes, une partie de ceux qui prônent la décroissance ont un projet de société radical, anti-capitaliste et ce projet ne peut pas être un élément de consensus. Ceux-là souhaitent réactiver la lutte des classes sous le couvert de lutte contre le changement climatique. Il est important de rendre clair ce projet.
Pour autant, ceux qui rejettent violemment toute forme de décroissance ne sont pas moins idéologues. Ils refusent d’admettre que nous vivons sur une planète dont les ressources sont finies et que nous ne pouvons pas les exploiter à l’infini. Il ne s’agit pas seulement du climat. Nous avons besoin de près de 3 planètes pour faire tourner notre modèle actuel. Ce n’est pas soutenable. Y remédier implique, d’une façon ou d’une autre, une forme de décroissance. Diminuer notre empreinte sur le vivant. Utiliser moins de matière, moins de métaux, moins de sable, moins d’eau douce. Manger moins de viande. Ré-localiser la production industrielle et donc faire décroître le transport de marchandises. Arrêter la folie de la fast fashion. On peut donner à cela un autre nom, sobriété par exemple. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit bien de ralentir, de trouver d’autres critères de progrès que la croissance de la production de biens.
Rejeter avec force la décroissance sans expliquer ce que nous entendons par ce terme, c’est entretenir une confusion, c’est laisser entendre que nous allons pouvoir continuer sur la même trajectoire. Dire que l’on doit changer radicalement nos modes de production et de consommation, sans expliquer que cela ne signifie pas seulement de passer du moteur thermique au moteur électrique, c’est entretenir une forme de confusion.
Dépassons ce clivage ! Il y a une majorité de citoyens qui comprend qu’il faut mettre un terme au modèle de croissance sans fin dans un monde fini, et qui en même temps ne veut pas rejouer la lutte des classes. Ceux qui ont théorisé le dépassement politique devraient être les mieux placés pour réussir ce nouveau dépassement !